17.1.06

The new zealots of democracy

Les nouveaux zélotes de la démocratie, par Daniel Vernet

''La promotion de la démocratie mise en avant par George W. Bush fait des émules que l'on n'attendait pas. Le dernier en date est l'ancien bras droit de Hafez Al-Assad, Abdel Halim Khaddam, qui, après avoir fidèlement servi le dictateur syrien pendant près de trente ans, a porté le fils au pouvoir avant de rompre avec lui. Accusé de haute trahison et réfugié à Paris, il dénonce l'implication de Bachar Al-Assad dans l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri. A lui seul, son réquisitoire ne suffira pas à ébranler le régime syrien, mais, pour le cas où celui-ci viendrait à s'effondrer, Abdel Halim Khaddam se signale à l'attention des Occidentaux en général et des Américains en particulier pour incarner la relève.
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Dans l'intention de prendre ses distances avec les crimes de son ancien protecteur, Abdel Halim Khaddam explique benoîtement que ses pouvoirs se limitaient à la diplomatie et qu'il est donc étranger à la répression intérieure. Il aura plus de mal à éluder l'influence qu'il a exercée depuis les années 1970 sur la politique syrienne au Liban. Il peut néanmoins espérer faire illusion.
Dans les pays d'Europe centrale et orientale, les anciens cadres communistes se sont, eux aussi, reconvertis en démocrates zélés, sous les couleurs de la social-démocratie, voire des partis "bourgeois". La connaissance des mécanismes du pouvoir restant appréciable dans les périodes de transition, ces conversions plus ou moins sincères jettent tout de même un doute sur la profondeur de certains changements. L'intégration des ces pays dans l'Union européenne et dans l'OTAN est au moins une garantie contre les retours en arrière.
Puisque la puissance dominante a imposé la mode du changement démocratique, le plus sage n'est-il pas de s'y conformer ? Surtout quand cette puissance se contente de réformes cosmétiques. L'Egypte de Hosni Moubarak n'est pas un exemple isolé. Un pluralisme formel accompagné d'une répression à peine déguisée de l'opposition et de quelques fraudes permet de sauver l'essentiel : le pouvoir et les bonnes grâces de Washington. Celles-ci sont d'autant plus facilement acquises que ces régimes autoritaires sont utiles à la politique américaine, soit qu'ils se présentent comme des remparts de l'intégrisme musulman, soit qu'ils servent les buts extérieurs des Etats-Unis, ou les deux.
Les "tyrans amis", comme les appelle Thomas Carothers, chercheur à la Fondation Carnegie de Washington, pour regretter l'indulgence dont ils bénéficient, se croient à l'abri des pressions américaines en accentuant la lutte contre l'islamisme. Ils n'ont pas entièrement tort. Les Américains ont un double langage qui reflète les contradictions partagées par tous les libéraux. Des élections libres risquent d'amener au pouvoir des forces antidémocratiques, obscurantistes voire totalitaires. Un homme, une voix, certes, mais pas pour une seule fois, disent les tenants du "réalisme", en soulignant qu'il serait risqué d'accorder la liberté aux ennemis de la liberté. Faut-il pour autant les écarter des élections ? Empêcher le Hezbollah ou le Hamas de participer au pouvoir, en tant qu'organisations terroristes, ou au contraire aider à leur intégration dans la vie politique en pariant sur les effets apaisants des institutions ?
La plupart des Européens se sont gaussés du projet de Grand Moyen-Orient prôné par George W. Bush après son expédition irakienne, et ils n'avaient pas complètement tort. L'administration américaine a eu beau mettre en avant l'expansion de la démocratie à travers le monde, elle n'a pas, comme par enchantement, surmonté les impasses auxquelles se heurtent les processus de démocratisation.
Double jeu d'autocrates fraîchement repentis, fraudes, respect superficiel des procédures, les nouveaux zélotes de la démocratie ont assimilé les règles du jeu. Toutefois, ils ne discréditent l'objectif final que s'ils sont pris au sérieux.''

DANIEL VERNET
LE MONDE 17.01.06 13h40 • Mis à jour le 17.01.06 13h40. Article paru dans l'édition du 18.01.06

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